Plus de la moitiĂ© des grandes entreprises mondiales reconnaissent que la pĂ©nurie d’eau reprĂ©sente un risque important pour leurs opĂ©rations, mais seulement 25 % d’entre elles ont pris des mesures adĂ©quates pour y remĂ©dier.*
La prĂ©servation de la ressource en eau est devenue un enjeu crucial, tant pour les acteurs publics que pour les entreprises. Malheureusement, l’eau est souvent nĂ©gligĂ©e au profit d’autres critères tels que le carbone dans les stratĂ©gies d’impact des organisations. Dans cet article, nous tenterons de comprendre l’Ă©tat actuel de la situation et nous explorerons les actions que les entreprises peuvent mettre en place pour inverser la tendance.
Pour en savoir plus sur la mĂ©thodologie propre Ă la dĂ©marche de transition, n’hĂ©sitez pas Ă consulter notre Article Comprendre – Mesurer – Agir.
Un constat alarmant
Les entreprises et les acteurs publics ne prennent pas suffisamment en compte les impacts de leurs activitĂ©s sur la ressource en eau, que ce soit en termes de disponibilitĂ© ou de pollution. En effet, d’après le rapport du World Resources Institute (WRI)*, plus de la moitiĂ© des grandes entreprises mondiales reconnaissent que la pĂ©nurie d’eau reprĂ©sente un risque important pour leurs opĂ©rations, mais seulement 25 % d’entre elles ont pris des mesures adĂ©quates pour y remĂ©dier.
L’accent est souvent mis sur la rĂ©duction des Ă©missions de carbone, relĂ©guant l’eau au second plan. Pourtant, d’après un rapport de Carbon Disclosure Project (CDP)* paru en 2020, le coĂ»t de l’inaction pour la prĂ©servation de la ressource en eau serait cinq fois plus Ă©levĂ© que les coĂ»ts engendrĂ©s par la transformation des stratĂ©gies. Il est donc essentiel que les organisations publiques et privĂ©es prennent pleinement conscience de ce dĂ©fi.
*Le CDP est une organisation caritative Ă but non lucratif qui gère le système mondial d’information permettant aux investisseurs, aux entreprises, aux villes, aux États et aux rĂ©gions de gĂ©rer leur impact sur l’environnement.
“La pĂ©nurie d’eau et la pollution peuvent prĂ©senter des risques pour les entreprises, et la manière dont l’eau est gĂ©rĂ©e par les entreprises peut influencer leurs bĂ©nĂ©fices. Mais elle peut aussi Ă©galement affecter les bĂ©nĂ©fices d’autres entreprises dans lesquelles nous investissons et qui dĂ©pendent des mĂŞmes sources d’eau.” Carine Smith Ihenacho, Responsable de la gouvernance et de la conformitĂ© Norges Bank Investment Management.
Mesurer l’impact de l’entreprise pour mieux prĂ©server la ressource en eau
Pour inverser la tendance, les entreprises peuvent mettre en place plusieurs actions concrètes.
Tout d’abord, et conformĂ©ment Ă la dĂ©marche Comprendre – Mesurer – Agir, il est crucial de mesurer la consommation directe et indirecte d’eau de votre entreprise.
Une fois votre organisation et vos collaborateurs informĂ©s et sensibilisĂ©s sur le sujet, il vous sera possible de mettre en place des outils permettant de calculer votre empreinte eau. L’empreinte eau d’un produit (bien ou service) est Ă©gale au volume total d’eau douce utilisĂ© directement ou indirectement pour produire le produit (alimentaire ou industriel), dans toutes les phases de sa fabrication, de sa transformation. https://www.waterfootprint.org/
Ces mesures vous permettront par la suite de dĂ©finir des modèles de gestion adaptĂ©s aux donnĂ©es mesurĂ©es, en intĂ©grant l’indicateur eau dans les stratĂ©gies d’Ă©coconception de nouveaux produits.
Agir pour un impact positif
Outre les premières étapes de base (information, sensibilisation, mesure et ajustement de la stratégie), vous pouvez choisir d’aller plus loin pour préserver la ressource en eau. Concentrons-nous sur quelques actions qui peuvent être mises en place.
- Mise en place de pratiques de gestion efficace de l’eau en interne : telles que la dĂ©tection de fuites, optimisation de l’utilisation de l’eau dans les processus de production et la rĂ©cupĂ©ration des eaux pluviales, installation d’équipements Ă faible consommation d’eau, tels que des robinets et des toilettes Ă haute efficacitĂ©, formation des employĂ©s Ă la gestion responsable de l’eau, en encourageant des comportements Ă©conomes en eau dans les bureaux et les sites de production.
- Collaboration avec les parties prenantes : Ă©tablir des partenariats avec d’autres entreprises, les autoritĂ©s locales, les organisations de la sociĂ©tĂ© civile et les organismes de recherche pour dĂ©velopper des initiatives conjointes de prĂ©servation de l’eau, participer Ă des initiatives sectorielles ou Ă des coalitions d’entreprises axĂ©es sur la gestion durable de l’eau, oĂą les entreprises peuvent partager des bonnes pratiques et collaborer sur des solutions communes.
- Transparence et rapports : intĂ©grer la gestion de l’eau dans les rapports de durabilitĂ© de l’entreprise, en communiquant les performances, les objectifs et les mesures prises pour rĂ©duire l’empreinte eau de l’entreprise, publier des donnĂ©es sur la consommation d’eau et les initiatives de gestion de l’eau, afin de promouvoir la transparence et la responsabilitĂ© envers les parties prenantes.
- Sensibilisation des consommateurs : informer les consommateurs sur l’empreinte eau des produits et services de l’entreprise, en mettant en Ă©vidence les efforts entrepris pour rĂ©duire l’utilisation de l’eau tout au long du cycle de vie des produits, encourager les comportements responsables chez les consommateurs, en fournissant des conseils et des incitations pour une utilisation efficace de l’eau Ă domicile ou au travail.
- Innovation et recherche : Investir dans la recherche et le dĂ©veloppement de technologies et de solutions innovantes visant Ă rĂ©duire l’utilisation de l’eau, Ă amĂ©liorer l’efficacitĂ© de son utilisation et Ă traiter les eaux usĂ©es, soutenir les start-ups et les initiatives entrepreneuriales axĂ©es sur les innovations dans le domaine de la gestion de l’eau, en leur fournissant des financements, des partenariats ou des opportunitĂ©s de collaboration.
- ChaĂ®ne d’approvisionnement responsable : encourager les fournisseurs Ă adopter des pratiques durables de gestion de l’eau, en intĂ©grant des critères d’Ă©valuation et de sĂ©lection liĂ©s Ă la performance environnementale de l’eau, travailler en collaboration avec les fournisseurs pour mettre en place des programmes de formation et d’assistance technique visant Ă amĂ©liorer leur efficacitĂ© dans l’utilisation de l’eau.
Quelques exemples de solutions innovantes
De nombreuses solutions existent déjà , proposées par des acteurs engagés :
- Par exemple, l’Agence de l’eau d’Adour-Garonne met en place des dispositifs d’accompagnement et de financement pour la mise en Ĺ“uvre de projets de gestion durable de l’eau. Elle permet ainsi aux entreprises qui souhaitent investir dans des technologies Ă©conomes en eau d’obtenir des subventions, afin de pouvoir mettre en place des systèmes de rĂ©cupĂ©ration des eaux de pluie, des Ă©quipements de recyclage des eaux usĂ©es ou des mesures d’optimisation de l’irrigation. En soutenant financièrement ces initiatives, l’Agence de l’eau d’Adour-Garonne encourage les entreprises Ă adopter des pratiques Ă©conomes en eau, Ă rĂ©duire leur impact sur la ressource et Ă prĂ©server la qualitĂ© des milieux aquatiques. Ces mesures incitent les entreprises Ă repenser leur gestion de l’eau, Ă mettre en place des technologies innovantes et Ă contribuer activement Ă la prĂ©servation des ressources en eau de la rĂ©gion.
- De son côté, l’entreprise Droople vise à contribuer à l’objectif mondial de préservation de l’eau, en utilisant des outils intelligents et des technologies de l’information pour améliorer la façon dont les gens utilisent, conservent et valorisent l’eau. A cet effet, Droople propose des solutions concrètes de gestion de l’eau, y compris du matériel et des logiciels, qui garantissent la qualité de l’eau et des informations en temps réel à tout moment et à tout point d’utilisation.
- Toulouse MĂ©tropole a lancĂ© le projet Val’RĂ©u, pour rĂ©utiliser les eaux usĂ©es afin de limiter la consommation d’eau potable.
La crise de l’eau est un dĂ©fi majeur qui nĂ©cessite l’implication de toutes les parties prenantes, y compris les entreprises. En tant qu’organisation, il est essentiel de prendre conscience de votre impact sur la ressource en eau et de mettre en place des actions concrètes pour la prĂ©server. En adoptant des actions Ă impact positif et en les adaptant Ă votre secteur d’activitĂ©, vous pourrez contribuer de manière significative Ă la prĂ©servation de la ressource en eau tout en renforçant votre durabilitĂ© et votre rĂ©putation en matière de prĂ©servation de la ressource en eau.
Il est temps de passer Ă l’action et de contribuer activement Ă la prĂ©servation de cette ressource vitale. Chaque goutte compte !
3 questions Ă FĂ©lix Noblia, paysan chercheur
Quel est le dĂ©fi majeur pour un agriculteur en termes de gestion de l’eau ?
Je vois deux perspectives pour aborder cette question : Premièrement, il y a la stratĂ©gie d’adaptation : c’est se demander comment, face Ă un climat changeant, nous pouvons rendre notre production alimentaire plus rĂ©siliente. Ensuite, il y a la stratĂ©gie de contribution Ă l’amĂ©lioration globale de notre milieu : du climat, du cycle de l’eau, etc. Ces deux aspects sont Ă©troitement liĂ©s. Pour ĂŞtre plus concret : si nous choisissons tous de travailler intensivement nos sols, de les laisser nus, on va droit vers une dĂ©sertification. En revanche, si on prend conscience que les plantes et la vĂ©gĂ©tation jouent un rĂ´le crucial dans la rĂ©gulation du climat et que nous faisons de notre mieux pour retenir l’eau lorsqu’il pleut, que nous vĂ©gĂ©talisons nos terres et mettons en place des infrastructures agroĂ©cologiques, alors nous avons plus de chances de contribuer Ă une amĂ©lioration du climat. Un exemple qui peut illustrer cette idĂ©e : les plantes peuvent explorer des couches du sol bien plus profondes que les outils mĂ©caniques pour trouver des nutriments, ce qui rend notre production plus rĂ©siliente face aux changements climatiques. En fait, l’enjeu majeur en termes de gestion de l’eau Ă l’Ă©chelle agricole, c’est de s’adapter et de contribuer Ă l’amĂ©lioration de nos pratiques, non seulement pour les cultures alimentaires, mais aussi et surtout pour prĂ©server un territoire vert et fertile, qui contribue Ă l’amĂ©lioration du climat.
Pourquoi avoir choisi l’agroĂ©cologie pour votre exploitation et quelles techniques expĂ©rimentes-tu ?
J’ai optĂ© pour des pratiques agroĂ©cologiques car Ă mon sens, il n’y a pas d’autre alternative pour un avenir durable dans l’agriculture.
Voici un exemple des pratiques que je mets en place :
- J’accorde une grande importance Ă la conservation des sols, je les travaille très peu pour prĂ©server leur structure.
- J’ai Ă©galement introduit des arbres dans mes exploitations agricoles et rapprochĂ© mes Ă©levages de mes cultures pour crĂ©er une synergie.
- Je pratique aussi la conservation des sols, ce qui permet aussi de rĂ©duire mes coĂ»ts et d’amĂ©liorer la fertilitĂ© des sols. J’ai Ă©galement rejoint des initiatives innovantes et durables, telles que RĂ©gĂ©nĂ©ration qui accompagnent les agriculteurs dans des dĂ©marches de transition vers des pratiques plus durables et responsables. Ces initiatives fournissent un soutien technique et financier aux agriculteurs qui s’engagent dans ces nouveaux modèles agricoles.
Que suggérerais-tu à une entreprise qui souhaite s’engager dans une démarche de transition ?
Une entreprise qui veut rĂ©ellement s’engager pour le climat peut investir dans des modèles agricoles contributifs et responsables en apportant une contribution Ă©cologique significative par exemple au travers des certificats d’Ă©cocontribution de RĂ©gĂ©nĂ©ration. PlutĂ´t que de financer des plantations d’arbres Ă l’autre bout du monde, il est possible et primordial de transformer l’agriculture en ayant un impact environnemental plus fort. Nous pouvons agir pour transformer notre propre territoire de manière durable.