🦜 La nature, un enjeu délaissé par les entreprises : comment réconcilier l’économie et l’environnement ?

L’augmentation du nombre de participants au World Impact Summit, ou tout autre rassemblement visant à rassembler les acteurs pour construire un monde plus soutenable prouve l’intérêt grandissant des entreprises pour la préservation de nos écosystèmes. 

Si une majorité d’entreprises est consciente de la nécessité d’agir, toutes n’ont pas encore fait le lien entre leur activité et ses impacts sur le vivant. Aussi, certaines continuent de considérer la nature comme une ressource à exploiter plutôt qu’un écosystème à préserver, souvent par manque de connaissances sur les enjeux, les impacts, les actions à mener, etc. Cette déconnexion à la nature se traduit par une diminution de la biodiversité, une pollution accrue de l’air et de l’eau, des émissions de gaz à effet de serre qui contribuent aux dérèglements climatiques, mais aussi par une diminution du niveau de santé des individus, des communautés et des écosystèmes.

Réconcilier l’économie et l’environnement : vers une entreprise connectée à la nature

Toutes les entreprises ont un impact sur la biodiversité, en même temps qu’elles en sont dépendantes. Nous évoquions le sujet dans notre article « Consommer et produire de manière durable : le rôle de l’entreprise ».

Rétablir cette connexion à la nature est non seulement naturel mais aussi primordial tant cela peut contribuer à résoudre certains des problèmes environnementaux les plus urgents. 

Des avantages économiques

Cela peut également avoir des avantages économiques, car les entreprises qui adoptent des pratiques plus durables ont tendance à être plus innovantes et plus résiliantes. Le rapport La biodiversité, une opportunité pour le développement économique et la création d’emplois du Ministère de l’écologie souligne à quel point la biodiversité contribue largement à l’économie française (déjà parce que l’activité économique dépend de la biodiversité pour les approvisionnements des entreprises, à travers le concept de services écologiques, mais aussi via les dépenses directes et indirectes liées aux activités de protection de la nature). 

Image, notoriété et compétitivité

Cette reconnexion peut aussi avoir des avantages en termes d‘image, de notoriété et donc de compétitivité. En effet, les années récentes ont été marquées par une montée de la conscience des enjeux environnementaux au sein de la population (et de la relation qu’ils entretiennent avec nos habitudes de consommation et de production). L’ObSoCo/Citeo, Observatoire de la consommation responsable, 2020, montre d’ailleurs que les français sont nombreux à considérer que les grandes entreprises sont l’une des catégories d’acteurs à laquelle il incombe d’agir le plus activement en faveur de l’environnement (pour 43% des répondants, c’est le premier acteur à devoir agir). Cette considération contraste avec l’évaluation qu’ils font de leur implication dans la transition vers un mode de consommation plus responsable : seulement 17 % des répondants évaluent favorablement, quand 68 % sont de l’avis contraire. A ce sentiment d’une insuffisante implication des entreprises dans la transition vers un mode de consommation plus responsable s’ajoute une mise en doute assez largement répandue de la sincérité des actions menées. 

Les consommateurs, plus conscients de l’impact environnemental de leurs achats et de leur mode de vie sont donc plus susceptibles de choisir des biens et services proposés par des organisations qui prennent des mesures pour réduire leur empreinte environnementale.

Cadre législatif

En parallèle, ces dernières années, le cadre législatif s’est durci pour encourager les entreprises à agir de manière plus responsable envers l’environnement et la biodiversité. Parmi les évolutions majeures, on peut notamment citer : 

• la mise en place de réglementations contraignantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre avec les quotas d’émissions et la création de marchés de carbone ; 
• la généralisation de l’évaluation de l’impact environnemental des activités des entreprises (avec les bilans carbone obligatoires), 
• l’obligation pour les entreprises de publier des informations sur leurs émissions de gaz à effet de serre, leur impact environnemental et social (dans le cadre de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte) ;
• la création de labels et de certifications pour les entreprises qui s’engagent à respecter des normes environnementales strictes, tels que le label B Corp ou la certification ISO 14001.

Ces évolutions législatives incitent les entreprises à prendre en compte l’impact de leurs activités sur l’environnement et à adopter des pratiques plus durables. En outre, elles permettent aux consommateurs et aux investisseurs de mieux évaluer l’engagement des entreprises en faveur de l’environnement et de la biodiversité, ce qui peut de nouveau constituer un avantage concurrentiel pour les entreprises les plus engagées dans cette voie.

Comment mon entreprise peut devenir un acteur clé de la préservation de la nature : des solutions concrètes

De nombreuses solutions existent pour réaffirmer notre connexion à la nature. 

Mesurer son impact

Avant toute chose, il est nécessaire pour une entreprise de prendre conscience de l’impact de ses activités. Nous vous parlions dans notre article « Comprendre – Mesurer – Agir » des moyens de mesurer son impact, comme le Global Biodiversity Score® (GBS) qui permet de mesurer son impact sur le vivant et la biodiversité. 

Réduire ou limiter son impact

Ensuite, il est possible d’agir pour réduire ou limiter cet impact :  

• Investir dans des technologies propres et des pratiques durables pour réduire votre empreinte environnementale est une possibilité. 
• Il est également possible d’intégrer des programmes de responsabilité sociale d’entreprise pour soutenir la préservation de l’environnement et de la biodiversité.
• Vous pouvez également encourager vos collaborateurs à développer une relation plus profonde avec la nature en organisant des activités de plein air, ou encore des programmes de formation et de sensibilisation environnementale. 
• En tant que dirigeant d’entreprise, vous pouvez également travailler en étroite collaboration avec les parties prenantes locales pour promouvoir des initiatives durables et contribuer à renforcer les communautés.

La reconnexion de nos entreprises, nos villes, nos organisations à la nature est essentielle pour la préservation de l’environnement et pour assurer un avenir soutenable pour les générations futures. En adoptant des pratiques durables et en développant une relation plus profonde avec la nature, vous pouvez non seulement protéger l’environnement, mais aussi renforcer votre position sur le marché et votre engagement envers votre responsabilité sociale d’entreprise.

Quelques exemples inspirants

• L’initiative « Entreprises engagées pour la nature » de l’OFB vise à faire émerger, reconnaître et valoriser des plans d’actions en faveur de la biodiversité portés par des entreprises. Des structures qui, indirectement ou directement, ont un impact majeur sur la biodiversité tout en étant dépendantes d’un certain nombre de services rendus par la nature. Cliquez ici pour accéder à la cartographie de ces entreprises.
• Le groupe Yves Rocher a décidé de se transformer en « une entreprise à mission ». Son objectif ?  « reconnecter les gens à la nature » pour le bien-être de ses clients, mais aussi celui de la planète.
• Le fond SEA : Créé en 2021 à l’initiative de LISEA et de MESEA, le Fonds SEA pour la transition des territoires, est doté d’une enveloppe de 3 millions d’euros et a pour vocation de soutenir des projets en lien avec l’insertion sociale et professionnelle, la réduction des émissions de gaz à effet de serre et la préservation de la biodiversité.
• Les villes, agglomérations, les régions peuvent également mettre en place de tels projets : c’est le cas comité régional du Tourisme de Nouvelle-Aquitaine et l’ADEME qui pilotent un projet nommé “en Nouvelle Aquitaine, sans ma voiture”, qui vise à favoriser la multimodalité au sein du territoire

3 questions à Heidi Sevestre, glaciologue

Pourquoi dédier ta carrière à la sensibilisation, la vulgarisation, la communication sur ce que tu apprends en expédition ?

Pour nous, en tant que scientifiques, il est clair que la science n’a pas d’impact si elle n’est pas communiquée. Nous communiquons déjà principalement aux scientifiques à travers des rapports et des publications. Mais si nous voulons que cette science touche le secteur public, le secteur privé et la société civile, nous devons absolument sortir de notre schéma traditionnel de communication et aller à la rencontre de toutes ces personnes. Physiquement, le plus possible, car c’est ainsi que nous pouvons avoir le plus d’impact et partager avec eux les mesures, les observations et les analyses que nous faisons sur la rapidité du changement climatique, etc. Tout ce socle de connaissances a pour objectif de motiver le passage à l’action. Il faut savoir, vouloir, pouvoir pour faire la différence.

Et donc l’éducation est vraiment l’étape première pour passer à l’action : nous n’avons pas envie de changer si nous n’avons pas l’impression d’être face à un problème. Nous savons qu’avec le changement climatique et la perte de biodiversité, nous faisons face à la plus grande crise que l’humanité n’ait jamais vue. Pour nous, les scientifiques, pour ceux qui sont sur le terrain et voient ces changements, il est urgent de rendre cette connaissance accessible au plus grand nombre.

Quel est l’intérêt de connecter le grand public avec la science et les régions polaires ? Quelle incidence cela peut-il avoir sur notre manière de produire, de consommer, de penser ?

Les régions polaires ont une forte influence sur les phénomènes climatiques et environnementaux qui se produisent jusqu’à chez nous en France. Lorsque les calottes polaires fondent, cela peut augmenter le niveau des océans de 65 mètres, ce qui a un impact sur la Terre entière. De plus, l’eau douce contenue dans la neige et la glace est une ressource précieuse qu’il est important de préserver en empêchant ou ralentissant la fonte des glaces. La perte de la banquise en Arctique (cette croûte de glace qui se forme sur l’océan) a un impact direct sur les conditions météorologiques chez nous en France (canicules, les vagues de froid, les périodes humides ou sèches).

Il est donc crucial de montrer que toutes les activités que l’on mène en France ou ailleurs peuvent avoir un impact sur l’Arctique, et que nous pouvons tous contribuer à protéger cette région. Un Arctique qui fond a des conséquences négatives importantes jusqu’à chez nous en Europe, ce qui influence directement notre manière de produire, de consommer et de penser. En nous connectant avec la science et les régions polaires, nous pouvons mieux comprendre l’importance de prendre soin de notre planète et agir pour un avenir plus durable.

Que suggérerais-tu à une entreprise qui souhaite s’engager dans une démarche de transition ?

Tout d’abord, je la féliciterais. Pour y arriver, il est important de passer par une éducation transversale à tous les niveaux de l’entreprise, du COMDIR et COMEX aux collaborateurs. Il est essentiel d’avoir un programme d’éducation très complet sur le changement climatique, qui permet de comprendre comment tout est lié et comment une entreprise est au cœur de cette question. Une fois que l’entreprise a compris le problème, elle peut utiliser tous les outils dont elle dispose pour limiter son impact, se concentrer sur l’économie circulaire, préserver les ressources et prendre en compte l’impact environnemental dans chacune des étapes de son fonctionnement. L’objectif est de réduire au maximum l’impact de l’entreprise sur l’environnement, voire de devenir régénératrice si cela est possible.

Toutefois, cette transition ne se fera pas sans effort. Il est primordial de comprendre que nous sommes dans une situation très compliquée, que nous n’avons pas de temps à perdre et qu’il faut agir rapidement en dépassant les politiques publiques actuelles. Le secteur privé a un rôle crucial à jouer dans la transition énergétique car il peut agir plus vite que les politiques publiques. En somme, il faut devancer les exigences réglementaires et œuvrer en faveur de l’environnement avec des actions concrètes et une forte volonté.